Le Pigeonnier de Saint-Jean de Beauregard
Le pigeonnier, symbole de richesse et de prestige
Le pigeonnier de Saint-Jean de Beauregard est l’un des plus grands d’Ile-de-France
La première mention d’un « coulombier » au domaine de Saint-Jean de Montfaucon (ancienne appellation de Saint-Jean de Beauregard), date de 1515. Il est, par la suite, cité comme un élément du domaine dans chaque acte officiel, ce qui s’explique par l’importance d’un pigeonnier pour un domaine. Car au-delà du symbole, le pigeonnier est essentiel à la vie du domaine.
Avec ses 4.500 boulins, le pigeonnier de Saint Jean de Beauregard est l’un des plus grands d’Ile de France. A l’époque où il était en service, 4 à 5 hommes étaient attachés à son entretien. En effet, un pigeonnier est une usine à viande et une usine à engrais.
- Usine à viande parce que les jeunes pigeonneaux, ajoutés à la basse-cour et à la chasse, donnaient la viande indispensable à la vie des habitants du château (surtout pendant la période d’interdiction de la chasse) ;
- Usine à engrais grâce à la colombine. La colombine est un mélange des déjections du pigeon et des débris de végétaux qui lui servent à faire son nid. Pendant plusieurs siècles, c’était le seul engrais connu et utilisé pour la fumure. Il est particulièrement riche en azote, acide phosphorique, potasse, chaux et ammoniaque. Chaque oiseau produit à peu près 2 kg de colombine par an. Un calcul savant du dosage d’azote par rapport aux besoins indique que la colombine produite par 1.000 oiseaux est nécessaire pour enrichir 1 hectare de terre. Sachant que la surface du Potager est de 2 hectares, le pigeonnier de Saint-Jean de Beauregard devait abriter entre 2.000 et 2.500 pigeons. En outre, la colombine était une substance d’une grande valeur, au point qu’elle pouvait figurer dans les contrats de mariage ou dans les baux de métayage.
Un système d’échelles permettait d’atteindre chaque boulin pour gratter la fiente, prendre les œufs et les jeunes oisillons pour la cuisine. Tout le système est porté par un pivot central d’un seul tenant de 12m50 de haut. Ce pivot repose sur un axe métallique de la taille d’un pouce qui pèse sur une plaque de plomb sertie dans une pierre. C’est cette base en plomb qui empêche la pierre d’éclater. Aucun roulement ne pourrait mieux résister. Le système a été remis à neuf en 1991. Il pèse près de 2 tonnes. Tout est en chêne sauf l’une des échelles, d’époque, qui est en châtaignier d’un seul morceau. L’ensemble des boulins remplacés et de la menuiserie, a été refait par des artisans locaux (dont un compagnon menuisier du tour de France). La charpente du toit est d’origine.
A l’extérieur, le petit toit en surplomb au tiers de la hauteur s’appelle un larmier ou un garde-rat. Larmier, car il a pour but de protéger l’appareillage de pierre et de chaux, assez fragile, de la pluie. Garde rat, parce qu’avec son bandeau lisse en ardoises, il empêchait les rats d’entrer dans le pigeonnier.
Les pigeons fuyards
Les pigeons qui vivaient dans les pigeonniers ne ressemblaient pas à ceux que l’on trouve maintenant dans nos régions. C’était un oiseau beaucoup plus petit, rapporté du Moyen Orient par les croisés, dit-on : le fuyard. D’ailleurs, le droit de pigeonnier ou de colombier est aussi appelé « droit de fuie ». Le pigeon ramier commun est un individualiste : il fait son nid dans un arbre, sans voisinage, et n’aurait pas supporté la vie en pigeonnier contrairement au pigeon domestique. Afin de prévenir un surpeuplement, donc l’apparition de maladies, seule une case sur quatre était occupée.
Les pigeons sortaient par deux ouvertures dans le toit. Deux ouvertures, de deux cotés différents, car le pigeon ne sort jamais face au soleil. Il y avait deux périodes pendant lesquelles les pigeons étaient enfermés : celle des semis et celle de la moisson. En effet, le pigeon a un appétit féroce et les cahiers de doléances retrouvés dans les archives prouvent que les paysans se plaignaient beaucoup des dégâts que les pigeons causaient dans les cultures.
En plus de l’utilité de la colombine pour le Potager et de la source de nourriture qu’il représente, le pigeon était également un outil de transmission des messages. En effet, l’instinct naturel pousse l’oiseau à revenir là où il a été nourri. Déjà à la Renaissance, le pigeon était utilisé pour échanger des messages entre militaires. Son rôle dans la stratégie de l’armée française a été souligné pendant la guerre de 1870. Ces pigeons voyageurs étaient immatriculés, numérotés pour la défense nationale et sélectionnés dans ce but. Ils étaient défendus d’exportation.
Dans le domaine des médias, le pigeon voyageur a également été un atout dans l’accélération de la diffusion de l’information. L’agence de communication française Havas, fondée par Charles-Louis Havas développe à partir de 1838 un réseau de pigeons voyageurs qui couvre la France et les pays limitrophes.
Le Pigeonnier est ouvert au public qui peut admirer son extraordinaire architecture au cours de la visite libre du domaine de Saint-Jean de Beauregard.